Appel élection 2012 internationale féministe

Paris, le 3 mai 2012.



"*/Nous, féministes /*

Nous citoyennes et indigènes, immigrées et autochtones, bourgeoises et
prolétaires, travailleuses et chômeuses, nationales et naturalisées, européennes et étrangères, militantes et universitaires : filles, mères, ménopausées, avortées ou hormonées, Noires, blanches, tsiganes, arabes, musulmanes, juives ou chrétiennes, croyantes, mécréantes, voilées, dévoilées, revoilées, sexy, grosses, anorexiques, valides ou non, straight, trans, gouines, queer, morales, immorales, amorales, victimes, putes, épargnées ou enragées, ...

Nous, féministes, filles d'Olympe de Gouges, la demi-mondaine guillotinée
pour avoir déclaré nos droits, de Solitude, mulâtresse guillotinée à Pointe à Pitre
pour s'être élevée contre le rétablissement de l'esclavage, de Mary Wollstonecraft et de sa philosophie authentiquement universaliste, de Flora Tristan qui défendait "la nécessité de faire bon accueil aux femmes étrangères", de Fatma N'Soumer combattante algérienne qui prit les armes contre l'armée coloniale, de Louise Michel qui se rangeât sans hésiter du côté des Kanaks contre les colonisateurs de son pays, d'Olga Bancik la combattante invisible de la bande à Manouchian décapitée par les nazis, des 230 militantes, résistantes, du convoi du 24 janvier 1943 qui entonnèrent la Marseillaise en franchissant le portail de Birkenau, ... Nous, filles, petites filles du MLF et du FHAR ; filles d'Audre Lorde, poétesse, lesbienne, caribéenne, traquant le racisme, le sexisme et l'homophobie jusque dans les rangs des mouvements féministes et des mobilisations anti-racistes...

Filles de Virginia Woolf, nous dénonçons avec elle la propagande
nationaliste qui prend les femmes en otage et prétend les défendre alors qu'on bafoue leurs droits fondamentaux :

 /« En tant que femme, je n'ai pas de pays, en tant que femme, je ne désire pas de pays, mon pays c'est le monde entier... »./

Notre généalogie ne connaît pas de zones d'ombre : nous représentons cette
tradition féministe internationaliste et anti fasciste qui s'est historiquement battue contre l'instrumentalisation colonialiste et nationaliste des droits des femmes et qui a toujours revendiqué l'égalité de toutEs et tous, quels que soient nos conditions, nos papiers d'identité, nos sexualités, nos religions, ...

 Nous déclarons que nous ferons tout pour débarrasser le pays du Président sortant et appelons toutes et tous à en faire autant pour barrer la route au fascisme qui se répand en France et en Europe.

Il est temps que nous nous rassemblions pour combattre ces politiques qui
détruisent systématiquement notre communauté politique, nos droits, nos libertés démocratiques, le lien social et la solidarité et qui osent le faire /en notre nom/. Il est temps qu'un autre féminisme prenne la parole : nous, féministes, refusons avec la plus vive détermination que les « droits des femmes » et des « homosexuelLEs » ou «l'égalité des sexes » servent des idéologies et des pratiques néo-coloniales et liberticides.

Nous refusons de nous rendre complices de tels dispositifs qui créent les
conditions de la toute puissance du capitalisme néolibéral, de la promotion d'une morale paternaliste de la « tolérance », de la réduction du politique au maintien de l'ordre policier et douanier, du fichage, de la surveillance et de la
criminalisation des « étrangerEs », des populations paupérisées comme des
syndicalistes et du mouvement social. Nous nous révoltons contre cette
société qui laisse crever ses propres citoyenNEs de froid et de faim dans la rue tout en prétendant ne pas pouvoir accueillir « toute la misère du monde » ; nous
condamnons la ruine des services publics, notamment en matière de santé, à d'éducation, de recherche et de proximité qui sont la condition matérielle /nécessaire/ de l'égalité réelle.

Obscur objet du désir, l'adhésion de 6 millions d'électeurs et d'électrices
françaisES à une culture fascisante fait l'objet d'un racolage actif. Le
score du FN est comme un blanc seing pour nous maintenir dans la /minorité/, pour nous abreuver de représentations populistes, débiles, de raisonnements simplistes qui ne prônent que la haine ; la société civile n'est plus qu'une société de consommation clivée et apeurée. Cette surenchère doit cesser... Pour notre part, nous ne laisserons plus ce front nationaliste récupérer le féminisme pour en faire l'étendard des frontières de l'« Occident ». Nous ne laisserons pas un parti, quel que soit le sexe de son chef, nous diviser impunément.

Nous luttons contre le grand renfermement dans une Europe forteresse qui
transforme le combat historique pour nos droits et nos libertés sur nos corps et nos vies en une valeur de la « civilisation occidentale » et un critère d'intégration
islamophobe... Qu'en est-il justement de « Nous » ? Qu'en est-il de «nos » droits ? Qu'en est-il de ces millions de femmes vivant ici sous le seuil de pauvreté ou assignées au travail domestique ? Qu'en est-il de l'égalité réelle des
sexes et des sexualités ?... Quelle place occupe la lutte contre l'hétérosexisme
dans notre société : une société qui maintient les discriminations salariales comme la licité des insultes ou l'impunité des violences ? Quels moyens sont
alloués à une éducation sexuelle émancipatrice et à l'accès réel aux droits sexuels reproductifs et non reproductifs pour toutEs (maintien des centres d'IVG, valorisation et diffusion de la gynécologie médicale, contraception libre et gratuite, accès à la PMA sans discrimination) ?

En tant que féministes, comment ne pas exiger l'abrogation des lois qui
criminalisent les femmes en raison de leur religion, la multiplication des
modes de garde collectif féministe, la réforme des manuels scolaires et le
développement de la place de l'histoire des femmes, des études postcoloniales et de la notion de «genre » dans toutes les disciplines, l'éradication des publicités et des jouets prônant l'hétérosexualité obligatoire, la reconnaissance pleine et entière des droits sociaux des prostituéEs ? ...

Quelles leçons prétendons-nous vouloir donner au monde et de quelle histoire
voulons-nous être les héritierEs ? Nous appelons aujourd'hui à voter pour le
candidat qui demeure en position de barrer la route au projet néoconservateur d'une Europe amnésique, pour faire rempart aux politiques avilissantes des droites extrêmes comme des dérives droitières des partis de gouvernement d'ici ou d'ailleurs. Cet appel ne donne nullement carte blanche à M. Hollande ni ne
signifie une adhésion à son programme économique et social : nos votes sont une
promesse qui à charrie le tumulte des combats passés, une promesse vis-à-vis de cette mémoire des luttes, un engagement pour l'avenir.

Si nous gagnons cette fois, nous n'oublions pas que les fascistes sont de
retour en Europe ; une Europe déchirée et désolée par des décennies d'un néolibéralisme agressif. Fidèle à Virginia Woolf, et à son brulot féministe /Trois guinées /(expurgé de ses oeuvres « complètes » récemment parues dans La Pléiade), nous affirmons que, désormais, quiconque tente de nous instrumentaliser en prétendant défendre le droit des femmes sous couvert de progrès, d'identité nationale ou de défense des frontières européennes -- rencontrera sur son chemin une internationale féministe que nous appelons de nos voeux."

 Pour signer :

http://www.change.org/fr/p%C3%A9titions/internationale-f%C3%A9ministe-nous-f%C3%A9ministes

Eleni Varikas, Elsa Dorlin, Laure Bereni, Sonia Dayan-Hersbrun, Nacira
Guénif, Rada
Ivekovic, Rose-Marie Lagrave, Geneviève Pruvost, Judith Revel, Joan W.
Scott, ...

Hourya Bentouhami, philosophe (Toulouse)

Marc Bernardot, Réseau Terra (Paris)

Chris Blache, conseillère égalité H/F campagne d'Eva Joly (Paris)

Marianne Blidon, géographe (Paris)

Coline Cardi, sociologue (Paris)

Isabelle Clair, sociologue (Paris)

Natacha Chetcuti, sociologue (Paris)

Diana Prince Club, association autodéfense féministe (Paris)

Karine Espineira, sociologue (Bordeaux)

Alexandre Jaunait, politiste (Poitiers)

Michael Löwy, philosophe (Paris)

Anna Jarry-Omarova, sociologue (Paris)

OUTrans, association

Maria Puig de la Bellacasa, philosophe (Leicester)

Vincenza Perilli, essayiste (Bologne)

Michal Raz, étudiante (Paris)

Lisbeth Sal, militante NPA (Paris)

Maria-Eleonora Sanna, chômeuse (Paris)

Maud Yeuse Thomas, écrivaine (Bordeaux)

Emilie Mourgues, antropóloga à la dérive (Paris)

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