C'est quoi "la France"?
« La France n’est pas responsable du Vél’ d’Hiv, a assuré la candidate du Front national (FN) à l’élection présidentielle, dimanche 9 avril, dans le cadre de l’émission « Le Grand Jury RTL-LCI-Le Figaro ». S’il y a des responsables, c’est ceux qui étaient au pouvoir à l’époque, ce n’est pas la France. La France a été malmenée dans les esprits depuis des années. On a appris à nos enfants qu’ils avaient toutes les raisons de la critiquer, de n’en voir les aspects historiques que les plus sombres. Je veux qu’ils soient à nouveau fiers d’être Français. »
On en entend de belles sur "la France" depuis quelques temps. Mais au fait, c'est quoi au juste "la France"? Ou plutôt, c'est qui?
J'ouvre un article du Monde sur la polémique d'une des Le Pen qui, comme à leur habitude, ont vite fait de lancer des phrases assassines, blessant les uns, confortant les autres dans leur nationalisme et leur connerie. J'ai entendu des centaines de fois: "faut arrêter de se flageller avec la colonisation et la collaboration, c'est du passé!". Mais, c'est quoi le passé au juste? C'est le passé de qui?
C'est pas ce qui nous constitue? Ce qui fait qu'un "nous" peut voir le jour? C'est pas ce qui fait qu'on peut avancer, réconcilier, nous réinventer? Exister?
Et puis, un jour, un être proche a su que ma femme et moi on avait tenté une PMA à l'étranger. Il m'a gentiment conseiller d'aller demander des allocs à l'Etat mais de préciser que "j'avais eu une aventure lors d'un voyage" et que c'est comme ça que j'étais tomber enceinte. Je lui ai répondu que "ma femme et moi, on est une famille. Qu'ON essaie de faire un enfant qui aura des DROITS". Puis il m'a rétorqué "Tu ne peux pas imposer ça à "la France". Estomaquée... La phrase a résonné en moi pendant des jours.
"La France" clairement, c'était pas moi, en tout cas pas nous. "La France" était toujours blanche, hétérosexuelle, en bonne santé, de culture "judéo chrétienne"... "La France" serait donc pour moi, pour nous, pour ce gosse qui viendra certainement un jour au monde, un espace privé VIP auquel on aura pas véritablement accès.
Pourtant la France c'est ma maison. Pas une maison qui se défini par la Nation, cette connerie inventée par des riches, défendue à coup de guerres et d'intérêts qui n'ont jamais convenus aux petites gens. La France c'est où j'ai appris à marcher et à m'envoler. C'est où j'ai appris Georges Brassens, Jean Ferrat, Victor Hugo, Paul Verlaine, Louise Michel, Olympe de Gouges, Jean Moulin, Arthur Rimbaud et les autres. J'ai aussi appris à écouter Aimé Césaire, Christiane Taubira, Frantz Fanon, Leopold Sedar Sengor, et les autres.
Dans "l'esclavage raconté à ma fille, Christiane Taubira écrit que l'histoire de la colonisation est notre histoire commune. Les uns étaient dans les cales, les autres sur le pont mais tous étaient sur le même bateau. Affirmer que ce n'est pas "la France" qui a raflé 13000 personnes au Vel d'Hiv qui ont étées livrées puis assassinées à Auswitch, c'est comme dire que Napoléon, c'est pas "la France" quand il a rétabli l'esclavage en remettant à l'ordre du jour le Code Noir. C'est une honte pour toutes les victimes de l'esclavage et du nazisme d'état ou pas.
Ce pays sera toujours pour moi lié aux Autres. Et les Autres ce sont les descendants d'esclaves, les gens qui n'ont pas la même sexualité que mes parents, ceux et celles qui passent par ici parce que chez eux y'a la guerre et qu'il faut se bouger le cul, c'est ma femme, c'est mon voisin, son chien, ses chats et les oiseaux dans le cerisiers. Les abeilles qu'on flingue et tous ceux qui rêvent encore.
Les Autres c'est moi. Et de Pétain à Fatou Diome, on est sur le même bateau.
L'article du Monde: http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2017/04/10/marine-le-pen-choque-en-declarant-que-la-france-n-est-pas-responsable-de-la-rafle-du-vel-d-hiv_5108622_4854003.html
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