"Par amour ou pour les papiers?"

Et oui, on l'a fait! Denise et moi nous sommes mariées le 13 juin 2014 en France, à Lyon. ça a été rapide, le temps d'un enlacement dans un hôtel de Marseille, près de Saint Charles, alors que Denise venait d'atterrir de quatre jours voyages hors du temps entre les aéroport de Houston, Istambul et Marseille. Quitter le Mexique en pleine semaine sainte n'est pas une maigre affaire.
"Je crois qu'il va falloir que tu te maries". Ça s'est passé comme ça, j'ai souri.ça faisait trois semaines que je l'attendais, en plein jet lag, la peur au ventre qu'elle n'arrive pas.
J'ai quitté México et la chambre 72 de l'hôtel Conde comme on prend un bus de ville, s'en m'en rendre compte. Elle m'a accompagné tremblante à l'aèroport, elle, se rendait compte que je rentrait "chez moi". Là bas, à 10 000, là où on ne me demanderait rien à l'aéroport et où on m'attendrait les bras ouverts.
J'ai quand même pris des billets allés retour pour elle avant de monter dans l'avion. Il n'en était pas possible autrement.

Arrivée en Europe, les choses avaient peu change, mais moi, j'étais amoureuse. Un mail un matin, d'elle: "Pour venir en France, il me faut une carte d'invitation, ça n'est pas aussi simple, regarde". J'ai ouvert le lien officiel des amoureux qui essaient de se rejoindre par les airs parce que le coeur leur chante. L'administration françaises m'a vite fait comprendre que je n'avais pas les moyens d'accueillir Denise: trois derniers bulletins de salaire, quittance de loyer ou acte de propriété... des termes avec lesquels je n'ai jamais vraiment cohabité.

Heureusement ma mère travaillait toujours en CDI et finissait de payer son appartement donc elle avait tous les justificatifs nécessaires à nos retrouvailles. On est tombées sur une fonctionnaire compréhensive à la mairie du 7ème. 35€ de timbres fiscaux, une attestation d'hébergement, une assurance pour les étrangers et un virement bancaire de mon compte au sien et le tour était joué. En fait on ne s'est jamais quittées.
Dernier mail avant le départ de Denise de Monterrey. C'est la semaine sainte au Mexique et le traffic est bloqué entre le nord du Mexique et les Etats Unis d'où elle doit prendre son avion, on ne sait pas si elle va pouvoir passé, en plus, dans l'émotion du départ, elle a perdu sa carte de crédit!

Ma gorge se serre, une angoisse acide me monte à la gorge.

On n'y avait pas pensé tout de suite. Le mariage, pour deux féministes comme nous, c'était vraiment pas un but dans nos vie. Par contre, l'égalité des droits et la libre circulation, ça nous parlait beaucoup plus. Moi, je suivait le vent depuis deux ans, parcourant l'Amérique latine, je me remettait d'échecs amoureux, l'Europe m'avait déçue, j'ai quitté l'Espagne en pleine crise et j'ai cherché partout un monde plus... vivant. Denise a passé les dernières années a militer avec des familles de disparu.es. Elle a survécu, aussi. Puis est né "el barrio antiguo", journal indépendant qu'elle a fondé avec Diego Ossorno. 20 000 lecteurs par mois, aucune subvention et un des 5 journaux indépendant nominé pour un prix de journalisme à renommé internationale.

  Moi j'ai repris la route, encore une fois, retour au Mexique avec ma guitare d'enfant à la main et j'ai toqué aux portes des refuges de femmes, des refuges de migrants, des orphelinats... et j'ai lu Benedetti "Défendre la Joie comme une tranchée"à pleins poumons,  j'ai chanté.Devant les mères de disparus à Tapachula, avec le père Solalinde dans le plus grand centre de migrants d'Amérique centrale à Ixtepec, dans le vent chaud du sud, sec. J'ai vu la belle lumière qui se couchait depuis la terrasse d'Alejandro, alors que je l'interviewait, derrière les barbelés. Je me suis disputée avec mon acolyte, hautaine, parisienne, choquée, chocante, insupportable. J'ai poursuivi seule et j'ai fait des rencontres merveilleuses. Denise en est une. J'avais froid et mal au ventre. La plus grande vague de froid qu'à connu México depuis 40 ans. J'étais venue chercher mon visa pour Cuba où je devais rejoindre mon père. Elle m'a fasciné tout de suite, avec ses cheveux arc en ciel. J'ai eu envie d'être près d'elle et j'ai su que c'était important même si je n'imaginais pas qu'elle allait devenir "mon épouse".


J'ai compris qu'on se mariait quand j'ai vu mon père me prendre en photo "click click click" et puis tout le monde s'y est mis. Évidemment on n'avait rien prévu, on était sur le parking de la mairie , place Jean Macé à Lyon, on attendait les témoins, on leur gardaient une place (les deux plus grandes punks de la ville, qui s'ignorent en plus!) et heureusement Kenza "je veux être sur toutes les photos!" En rose bonbon, petit retour à la réalité. La veille on avait fait le tour des fringues à Notre Dame des Sans Abris voir si on trouvait pas  des fringues convenables pour la mairie. J'ai posé deux conditions à ce mariage: je voulais un grande bringue et, que Denise rentre pas à la mairie avec ses bottes défoncées qu'elle n'ôte que pour dormir.

On a fait l'amour toute la matinée dans l'ancienne chambre de mon frère, ma mère toquait à la porte, anxieuse au possible, nous, on s'en foutait :"Vous vous mariez dans trois heures". On a acheté des fleurs au marché du coin de la rue pour nous les mettre dans les cheveux et nous distinguer des invités.

Comment est ce que j'allais construire quelque chose avec quelq'une si eklle n'avait pas les mêmes droits que moi? On ne pouvais imaginer qu'un jour l’État ou une date sur son passeport puisse nous imposer un mouvement, un départ, une séparation. En fait, décider de se marier pour nous, ça signifie pouvoir être libres de vivre cette grande histoire d'amour. Alors bien sûr j'ai eu le vertige, la paperasse, les justificatifs de domiciles... comment vous expliquer... puis petit à petit ça s'est mis en place. Les gens autour de nous nous ont appuyer, la date du mariage approchait et ils, elles nous exprimaient toutes sortent de sentiments superbes que ça leur révélait. Nous on se rendait pas trop compte. On nous questionnait "c'est pour l'amour ou pour les papiers"?. En fait, c'est tout à la fois, c'est parce qu'on s'aime et que le monde est divisé entre privilégié.es et les autres qu'on a pris cette décision sans trop y réfléchir plus que ça. ça a juste permis à notre histoire d'exister.

C'est l'adjointe au Maire, Valérie G. qui nous amis les points sur les "i" en pleine cérémonie. Emue, militante, elle nous a accueillies dans notre nouvelle citoyenneté. "Montrez le, la lutte continue!". Nous on flottait sur notre nuage d'amour, dans mes bras, Denise et le public derrière qu'on a oublié un instant, qui pleurait au

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